YVON OLLIVIER
L’association Koun Breizh de préservation du patrimoine breton ayant décidé de saisir la justice dans l’affaire des menhirs de Carnac menacés par la construction d’un magasin de bricolage, son président, Yvon Ollivier, a été propulsé sur le devant de la scène.
PAR : RÉGIS DELANOË. PHOTO : EMMANUEL PAIN
Les faits, tout d’abord. Le 2 juin dernier, Christian Obeltz, un archéologue amateur, dénonce par voie de presse la construction d’un magasin de l’enseigne Mr. Bricolage à Carnac sur un site où étaient alignés trente-
neuf menhirs depuis sept mille ans. Le tollé qui s’ensuit est cependant rapidement atténué par quelques précisions apportées concernant les dégâts causés à l’encontre de ce qui ne serait, selon certains, que quelques gros cailloux en- fouis sous la végétation, loin des majestueuses pierres levées bien connues des touristes. Une plainte est néanmoins déposée le 7 juin, pour “destructions volontaires aggravées par la circonstance qu’elles portent sur le patrimoine archéologique”, par une association de sauve- garde du patrimoine breton nommée Koun Breizh, “le souvenir breton”. Avec, à sa présidence, Yvon Ollivier, qui se dit “effaré” de la situation. “Comment un site aussi emblématique, considéré comme le berceau de la civilisation mégalithique, est-il ainsi saccagé ? Pourquoi les autorités locales ont-elles donné leur aval à ce chantier au mépris du respect qu’oblige un tel lieu sacré ? Comment expliquer le silence de la Région et du ministère de la Culture face à cette perte inestimable ?”, interroge le militant nantais, qui dénonce là un “exemple de déshumanisation ordinaire : on décrète qu’un menhir n’est plus un menhir mais un vulgaire caillou et ainsi on peut le détruire, qui plus est pour construire un magasin de bricolage. Quel symbole…”
De son aveu même, toute la vie d’Yvon Ollivier est guidée par deux valeurs cardinales que sont “l’humain” et “le combat contre l’injustice”. Avec, pour décor, la Bretagne et les Bretons, “ce vieux peuple périphérique”, comme il le qualifie avec tendresse. Né à Brest en 1967 d’une famille de la paysannerie du Léon, il se révèle brillant élève et opte pour la prestigieuse filière du droit. C’est au cours de ses études supérieures à Paris qu’il prend conscience de sa “bretonnité”. “Je ne trouvais pas mon compte dans l’atmosphère guindée de la capitale”, grimace-t-il. “Encore aujourd’hui, j’ai la nostalgie du vieux Brest rural où tout le monde se connaissait et de la musique qu’évoquait pour moi la langue bretonne des anciens et qui ne m’avait pas été transmise.” C’est cet esprit de communauté, en contraste avec “la vie moderne où personne ne se connaît”, qui serait selon lui le remède aux maux du monde actuel. “La discrimination culturelle, territoriale et linguistique qu’a subie la Bretagne pendant des siècles a gé- néré un vide abyssal. Les principes abstraits de la République ne fonctionnent plus et l’extrême droite se nourrit de ce vide. Les gens ont peur des autres parce qu’ils ne savent plus qui ils sont. En Bretagne, on n’était jamais seul. C’est cet esprit de solidarité qu’il faut retrouver. Être soi sans rejeter l’autre”, martèle-t-il.
Un plan Marshall des langues
Yvon Ollivier milite ainsi pour que la Bretagne “retrouve de l’autonomie sur tout ce qui n’est pas régalien”. Manière, poursuit-il, “d’avoir des leviers pour gérer nos propres affaires, se mettre en position d’accueillir – car c’est le sens de l’histoire – et s’occuper de notre terre me- nacée par la crise climatique. Il faut retrouver les principes de la vieille société communautaire et solidaire que j’ai connue enfant et qui a disparu”. Ce qui implique, prévient-il encore, “d’arrêter les politiques de grandeur, de se pré- occuper des gens et de lutter contre les vieux réseaux de pouvoir”.
Impliqué politiquement lors des élections régionales de 2021 en travaillant sur un “plan Marshall des langues de Bretagne” pour la liste emmenée par Daniel Cueff, Yvon Ollivier écrit également régulièrement des livres, dont cer- tains traitent de ses sujets de prédilection. La Désunion française, publié en 2012, est un essai développant “la nécessité de repenser l’unité française pour la fonder avec l’altérité de ses minorités et non plus contre elle”. Parallèlement à son activité professionnelle de juriste exercée à Nantes, il s’engage aussi par le biais as- sociatif, au sein de Bretagne réunie, du collectif Bretagne majeure et, donc, de Koun Breizh, structure dont les origines remontent aux an- nées 1950 et dont il a pris la présidence en 2021. En première ligne du combat à Carnac, Koun Breizh proteste également contre la débretonnisation du nom du collège de Kerhallet à Brest, alerte contre un projet de construction d’une supérette menaçant un manoir du 15e siècle sur la commune de Bouvron, en Loire-Atlantique, et a pour objectif de financer “La pierre de la mémoire bretonne”, une stèle monumentale “pour donner une représentation de la souffrance psychologique endurée par la politique d’assimilation forcée”. Autant de combats pour “défendre l’identité bretonne et sa mémoire, car c’est le meilleur antidote à la montée des haines”.
Bretons – Août 2023
J’ai lu qu’il s’agissait de plus de 90 menhirs et ensuite de simple cailloux, effectivement …